Bidalinouette Admin
Age : 47 Localisation : Stembert, Belgique Végétarien? Végétalien? Végan? Omnivore? : Vegan Vos animaux : Grisou, Kumquat, Savannah, Noursonne, Eden, Roméo, Foly et les 3 bb les pouics, Noisette la pinou Humeur : Sauveuse de ptit pouics et autres Emploi/loisirs : Cherche un emploi Nombre de messages : 3793 Date d'inscription : 05/10/2008
| Sujet: 2-9 juillet : Colloque "ce que nous savons des animaux" à Cerisy-La-Salle (50210) Ven 25 Juin 2010 - 17:17 | |
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Citation: | " Page mise à jour le 5 juin 2010 "
DU VENDREDI 2 JUILLET (19 H) AU VENDREDI 9 JUILLET (14 H) 2010
CE QUE NOUS SAVONS DES ANIMAUX
DIRECTION : Vinciane DESPRET (ULG), Raphaël LARRÈRE (INRA)
Avec le concours de Florence BURGAT, Georges CHAPOUTHIER, Bernard HUBERT et Isabelle STENGERS
ARGUMENT :
Si le titre du colloque renvoie au "savoir", c’est que c'est à sa multiplicité qu'il envisage de s'intéresser: savoirs savants des éthologistes et des disciplines qui questionnent leur biologie ou leur univers mental, savoirs pratiques de ceux qui sont amenés à bien connaître les animaux pour avoir travaillé avec eux, savoirs enfin que l’anthropologie ou la sociologie apportent sur les pratiques des uns et des autres.
La rencontre s’organisera autour des animaux qui produisent et que produisent, cette multiplicité de pratiques. Un trait les réunit: sauvages, domestiques ou familiers, ce sont des animaux qui mettent des gens au travail ; ce sont les animaux des éleveurs, des dresseurs et des animaliers de laboratoire ; ceux que les scientifiques interrogent sur leurs capacités sociales et cognitives ou leur "bien-être" ; les animaux des sociologues, des anthropologues ou des philosophes, quand ces derniers s’intéressent à la manière dont on les protège, dont on fait société, ou dont on vit (ou pourrait vivre), autrement, avec eux. En somme, des animaux qui, pour de multiples raisons, nous importent ou importent à certains d’entre nous.
CALENDRIER PROVISOIRE :
Vendredi 2 juillet Après-midi: ACCUEIL DES PARTICIPANTS
Soirée: Présentation du Centre, des colloques et des participants
Samedi 3 juillet Matin: Vinciane DESPRET & Raphaël LARRÈRE: Introduction
Ce que peuvent les animaux: les dispositifs qui rendent intéressants (les animaux et leurs scientifiques) Yves CHRISTEN: Un nouveau regard sur l'intelligence animale: passer de la mise en demeure à la prise en compte de leurs intérêts
Après-midi: Thierry AUBIN: Le chant des oiseaux: une communication sophistiquée Pascal PICQ: L’origine de l’Homme entre animalité et humanité
Dimanche 4 juillet De trente-six manières de faire société Matin: Catherine LARRÈRE: L'animalité et l'exploration des possibles Emilie HACHE: Ce/ux à quoi nous tenons
Après-midi: Jérôme MICHALON: Les animaux pansent-ils? Comment rendre compte des effets thérapeutiques du contact animalier Isabelle MAUZ & Coralie MOUNET: Le rapport aux loups: un jeu sur la distance? Le cas du suivi scientifique de la population de loups en France
Soirée: Film de l’IRD sur la manière dont un village Camerounais "fait société" avec les insectes
Lundi 5 juillet Questions de bien-être Matin: Alain BOISSY: Ce que ressentent les animaux, ou comment l'éthologie cognitive permet d'accéder aux émotions de l'animal et mieux comprendre son bien-être Xavier BOIVIN: De la docilité à la relation homme-animal d'élevage: le point de vue de l'animal
Après-midi: Georges CHAPOUTHIER: Les désarrois du chercheur face à l’expérimentation animale Dalila BOVET: Des babouins aux perroquets: ce que les animaux ayant participé à mes expériences m’ont appris
Mardi 6 juillet L'équitation, une affaire entre les hommes et les chevaux (journée organisée par Bernard HUBERT) Matin: - Visite du Haras de Saint-Lô (monte académique) - Rencontre des dresseurs
Après-midi: - Visite du manège "L’équitation autrement" de Saint-Sébastien de Raids (dressage alternatif)
Soirée: Faire répondre les oiseaux (Les réponses territoriales chez les oiseaux, avec Thierry AUBIN)
Mercredi 7 juillet Connaissances mineures (Inappropriated others knowledges) Matin: Donna HARAWAY: Bien vivre et bien mourir avec les créatures de l'empire: glaner des passés et des futurs dans l'épaisseur des temps présents (Living and Dying Well with Creatures of Empire: Gleaning Pasts and Futures in Thickened Presents) (1ère partie) Jocelyne PORCHER: Une sociologie de l’animal au travail
Après-midi: DÉTENTE
Jeudi 8 juillet Connaissances mineures (Inappropriated others knowledges) Matin: Donna HARAWAY: Bien vivre et bien mourir avec les créatures de l'empire: glaner des passés et des futurs dans l'épaisseur des temps présents (Living and Dying Well with Creatures of Empire: Gleaning Pasts and Futures in Thickened Presents) (2ème partie) Vinciane DESPRET & Raphaël LARRÈRE: Savoirs profanes? Ou savoirs pratiques? Les amateurs comme ceux qui aiment et qui connaissent (avec les participants souhaitant présenter leur travail et leurs animaux)
Après-midi: Catherine MOUGENOT & Lucienne STRIVAY:L’échiquier des tricheurs ou l’incroyable expansion d’un lapin casanier Eric BARATAY: Une histoire du côté de l’animal est-elle possible?
Soirée: Atelier d'éthologie Petite pratique éthologique des animaux d’élevage: autour des films tournés en élevage par les étudiantes de Jocelyne Porcher, nous tenterons un exercice d’éthologie des vaches et des cochons, de construire des éthogrammes, de s’exercer à voir ce qui n’est pas normalement perçu et d’explorer collectivement les interprétations
Vendredi 9 juillet Matin: Georges CHAPOUTHIER, Vinciane DESPRET, Bernard HUBERT, Raphaël LARRÈRE & Isabelle STENGERS: Conclusions des travaux par l'ensemble du comité scientifique
Après-midi: DÉPARTS
RÉSUMÉS :
Thierry AUBIN: Le chant des oiseaux: une communication sophistiquée Les oiseaux sont des animaux vivant dans un univers essentiellement acoustique. En effet, les chants et cris qu’ils échangent jouent un rôle fondamental dans l’accomplissement de fonctions vitales: identification, positionnement dans l’espace, coordination des activités de groupe, avertissement d’un danger, intimidation. Ces différents messages peuvent être codés dans le même signal qui assure, par exemple, simultanément la reconnaissance de l’espèce, du groupe, du sexe, de l’individu. Chez certains oiseaux, appelés oiseaux chanteurs, les chants ne sont pas innés mais appris, et sont ainsi à l’origine "d’accents" régionaux, les dialectes. En raison de la sophistication du codage des vocalisations, qui peut être basé sur une syntaxe complexe de "notes", les oiseaux sont capables d’établir des communications référentielles, indiquant par exemple aux autres membres de leur groupe la nature précise d’un prédateur: rapace, félin, serpent. Les très récentes études portant sur les réseaux de communications qui s’établissent au sein de groupe d’oiseaux permettent à certains auditeurs discrets d’espionner les échanges acoustiques de leurs congénères... et d’en tirer bénéfice. Ces différentes performances vocales des oiseaux ne seraient pas possibles sans un développement très important d’aires cérébrales adaptées à la production et à la réception des sons.
Eric BARATAY: Une histoire du côté de l’animal est-elle possible? L'histoire des animaux, développée depuis les années 1980, est en réalité une histoire humaine des animaux, qui s'intéresse aux dispositifs intellectuels, psychologiques, économiques, sociaux déployés par les hommes et les sociétés dans leurs relations aux animaux, et qui met de côté ceux-ci, en les considérant et en les traitant comme des objets permettant des actions humaines, mais pas comme des sujets. L'histoire que je construis actuellement entend donner à l'animal un statut de sujet et d'acteur agissant, influençant les humains, et donc lui octroyer une place de "héros" au centre de sa propre histoire. Il s'agit pour l'historien de se déporter du côté de l'animal, d'abandonner le référent humain pour adopter le sien, de manière à saisir comment il vit, subit, réagit à l'histoire, notamment les grands événements historiques (des guerres à la révolution industrielle en passant par la constitution de la famille moderne) dans lesquels il est enrôlé, entraîné, utilisé, transformé, en insistant donc sur ce qui lui arrive et sur ce qu'il fait. On peut aussi essayer de se mettre à la place de l'animal, dans sa peau, pour saisir ses manières de percevoir, d'agir ou de réagir. Mais comment écrire cette histoire? Elle suppose de traquer des documents peu utilisés par les historiens, comme les traités vétérinaires ou les textes des naturalistes, et qui livrent des informations sur le vécu des bêtes, de lire ces documents en retournant la position d'observation et le référent habituels, de les exploiter en utilisant des lectures éthologiques favorables aux animaux, c'est-à-dire leur accordant beaucoup, pour pouvoir voir et décrypter, dans la mesure du possible, leurs situations, leurs comportements, leurs réactions. C'est ce dispositif épistémologique et méthodologique qui sera présenté et soumis à discussion.
Alain BOISSY: Ce que ressentent les animaux, ou comment l'éthologie cognitive permet d'accéder aux émotions de l'animal et de mieux comprendre son bien-être Les préoccupations en matière de bien-être animal reposent sur l’acceptation que les animaux sont des êtres sensibles et, donc, qu’ils peuvent ressentir des émotions. Malheureusement, du fait de l’absence de langage verbal, le vécu émotionnel de l’animal est peu accessible et son étude scientifique est rendue délicate. L’anthropomorphisme surgit alors comme un stigmate qui biaise souvent l’étude du monde affectif des animaux. En outre, la mesure du bien-être des animaux s’est généralement limitée à des indicateurs de stress sans pour autant les relier à l’existence d'états affectifs de bien-être. Il est par conséquent nécessaire de passer de la simple description des comportements de l’animal à la compréhension de ses propres états affectifs. Pour décrypter les émotions que peut ressentir un animal, nous nous sommes inspirés d’approches développées en psychologie humaine. Selon ces approches, une émotion est déclenchée par l’évaluation de la situation que l’individu entreprend de manière systématique sur la base de processus cognitifs élémentaires, et c’est la combinaison de ces processus cognitifs, qui détermine la nature même de l’émotion. Nous avons alors cherché à montrer que ces processus cognitifs sont également pertinents pour l’animal. Ainsi, des agneaux évaluent les caractéristiques intrinsèques de l’événement, à savoir son caractère soudain, connu et prévisible. Ils sont également capables de construire des attentes, et réagissent si la situation ne répond plus à leurs propres attentes. Les agneaux sont aussi doués d’anticipation, et le fait de prévoir, voire de pouvoir contrôler l’événement, module leurs réactions. Enfin, ils tiennent aussi compte du contexte social dans lequel survient l’événement, pour réagir. En combinant ces processus cognitifs, nous sommes alors en mesure de définir des types d’émotions que les agneaux peuvent ressentir sur la base des combinaisons identifiées chez l’homme: émotions négatives, telles que la peur, la colère, voire la honte, ou positives, telles que le plaisir ou la joie. Si des processus cognitifs simples sont à l’origine des émotions, les émotions peuvent en retour influencer les processus cognitifs. De nombreux travaux en psychologie montrent combien une émotion peut momentanément biaiser la manière dont l’homme évalue la situation, apprend et mémorise de nouvelles informations. Là encore, de tels biais cognitifs existent également chez l’animal. Actuellement, nous cherchons à savoir si l’accumulation d’émotions peut modifier de manière durable les fonctions cognitives (perception optimiste vs pessimiste) de l’animal et, par voie de conséquence, instaurer chez ce dernier un état persistant de bien-être ou de mal-être. En conclusion, l’étude des relations entre émotions et capacités cognitives des animaux ouvre de nouvelles perspectives qui visent, premièrement, à mieux comprendre le bien-être des animaux, et, deuxièmement, à développer à terme avec les filières des techniques d’élevage qui, non seulement réduiraient les émotions négatives des animaux, mais surtout solliciteraient leurs émotions positives, et contribueraient ainsi à améliorer véritablement leur qualité de vie.
Xavier BOIVIN: De la docilité à la relation homme-animal d'élevage: le point de vue de l'animal La domestication des animaux peut se définir comme le processus par lequel une population animale devient adaptée aux contraintes imposées par l’environnement humain par des changements génétiques et par des événements environnementaux se produisant pendant le développement et se reproduisant à chaque génération. L’acceptation de la proche présence de l’homme et de la manipulation est encore un de ses enjeux essentiels en terme de production, de travail, de sécurité, pour l’éleveur d’aujourd’hui confronté à de plus en plus d’animaux à élever et de moins en moins de temps à leur consacrer. Eliminer les animaux difficiles, renforcer les outils de contention, dresser ou forcer les animaux à obéir, utiliser la ruse ou un chien sont souvent les stratégies classiques tentées pour pallier le caractère difficile de certains animaux ou troupeaux. L’éleveur d’aujourd’hui en France est dans le paradoxe de dire que le temps et la présence sont nécessaires à une bonne relation homme-animal mais qu’il n’a plus le temps de le faire. L’amélioration de l’organisation du travail est un élément essentiel pour trouver des solutions viables. Mais la meilleure compréhension du développement des relations homme-animal et de la perception de l’homme et de l’environnement de manipulation par l’animal est également absolument nécessaire. Sur la base de courtes séquences vidéo, et de résultats de recherche essentiellement sur les bovins, nous explorerons rapidement la manière et les facteurs (génétiques et ontogénétiques) dont les biologistes se sont emparés de cette problématique au cours de ces dernières années.
Dalila BOVET: Des babouins aux perroquets: ce que les animaux ayant participé à mes expériences m’ont appris L’éthologue doit non seulement intéresser ses congénères (pairs, pouvoir public, grand public) à ses recherches, mais aussi intéresser les animaux qui sont les sujets de son expérience. Dès le début de ma thèse, j’ai constaté que les récompenses alimentaires étaient insuffisantes pour motiver les babouins ayant mieux à faire: ainsi, deux femelles ont cessé de participer à mes tests pendant qu’elles avaient un petit en bas âge, l’une d’elle allant jusqu’à développer des stratégies sophistiquées pour avoir la paix. Par la suite, j’ai testé des macaques grâce un système entièrement automatisé; n’ayant guère d’autres distractions, ces singes pouvaient travailler des heures chaque jour sans aucune intervention de ma part... Cependant les chimpanzés que nous avons tenté d’habituer à travailler dans les mêmes conditions se mettaient en grève ou détruisaient le matériel si l’on supprimait la présence et les félicitations de l’expérimentateur. J’ai retrouvé ce problème chez les perroquets avec lesquels je travaille actuellement: eux aussi montrent des performances variables en fonction de leur motivation ou du type de récompense, ou encore apprennent les mots que nous utilisons dans nos interactions sociales plus facilement que les noms des objets que nous tentons de leur enseigner. Mais c’est peut-être au moment où ils nous exaspèrent le plus que nos animaux ont le plus à nous apprendre...
Georges CHAPOUTHIER: Les désarrois du chercheur face à l’expérimentation animale A travers son expérience personnelle de chercheur travaillant sur des animaux vivants, principalement des rongeurs, et en s’appuyant sur de nombreux exemples concrets, tirés de rencontres ou d’observations effectuées durant sa formation d’étudiant comme durant sa carrière de chercheur, l’auteur montrera comment sont intervenues, au cours de sa vie, dans sa conception de l’animal aussi bien que dans sa pratique scientifique, les trois grandes philosophies qui sous-tendent les rapports de l’homme à l’animal: l’animal humanisé, l’animal-objet et l’animal-être sensible.
Yves CHRISTEN: Un nouveau regard sur l'intelligence animale: passer de la mise en demeure à la prise en compte de leurs intérêts Les dernières décennies ont permis l’émergence d’idées nouvelles sur le monde mental des animaux. Pratiquement tous les "propres de l’homme" supposés se sont avérés plus ou moins largement partagés avec d’autres espèces: faculté de raisonner, de compter, de créer, de comprendre des langages humains, de vocaliser (y compris des langages humains), d’imiter, d’être conscient du monde et de soi, de suivre des règles morales, d’avoir une riche vie sociale et une théorie de l’esprit, de fabriquer des outils, d’élaborer des cultures, de suivre des traditions, etc. La déconstruction d’une idée ultra valorisante et privilégiée de l’humain s’accompagne non seulement de la reconnaissance du fait que les autres vivants sont, d’une certaine façon, "comme nous", mais aussi, et peut-être surtout, qu’ils possèdent des mondes mentaux originaux. Les recherches sur le bonobo Kanzi et quelques autres ont initié une approche nouvelle, plus satisfaisante sur le plan éthique mais aussi plus riche en promesses de découvertes, consistant à ne pas se satisfaire de la mise en demeure qui caractérise l’approche expérimentale classique en psychologie animale. En faisant vivre la bête dans un système plus ouvert, plus libre, en lui donnant l’opportunité d’exprimer des facettes imprévues de sa pensée, on en vient non seulement à renoncer à des dogmes hérités du behaviorisme ou d’autres modes de pensée périmés, mais aussi à découvrir des facettes inconnues de la vie mentale. L’histoire actuelle et future de l’étude de l’intelligence animale peut ainsi se décliner en trois phases: 1) la découverte de compétences cognitives animales antérieurement connues chez l’humain, conduisant à la reconnaissance de l’inexistence de différences intrinsèques entre l’homme et le reste du monde vivant ; c’est la phase qui s’achève aujourd’hui ; 2) l’identification ou la reconnaissance de capacités cognitives (métacognition, capacité de la mémoire à gérer le futur et pas seulement le passé, etc.) chez l’humain après leur découverte chez l’animal ; c’est la phase qui débute actuellement ; 3) la connaissance des mondes mentaux propres à d’autres espèces animales en approchant l’univers de leur point de vue sur le monde sans référence obligée à l’humain; cette approche de la subjectivité ne doit pas être, par principe, considérée comme inaccessible à la science, notamment par le moyen de nouveaux outils comme l’imagerie cérébrale.
Dona HARAWAY: Living and Dying Well with Creatures of Empire: Gleaning Pasts and Futures in Thickened Presents Thinking with pigs (feral pigs and Tamspot hybrid pasteur-raised pigs in California) and with Churro sheep in the Navajo Sheep Project in the US Southwest, this paper asks how both indigenous and colonial multi-species transplants, human and not, are shaping ways of living and dying together that deserve a future. How are both people and other animals, who were all shaped as subjects of history in times of genocidal conquest and multispecies destruction, building "companion species" relations in the 21st century that, in Deborah Bird Rose's terms, face those who came before so as to leave the marks of care to those who come after? The term "companion species" ensures remembering the root, "cum panis"— who are at table together and who is on the menu? What might "cosmopolitics" (making available and the table manners of the polis/oikos) taste like here? I remember bioanthropologist Barbara Smuts teaching us that co-presence is about someone we taste, not someone we use. What can that mean for pigs, sheep, and their people?
Dona HARAWAY: Bien vivre et bien mourir avec les créatures de l'empire: glaner des passés et des futurs dans l'épaisseur des temps présents Penser avec les cochons (des cochons sauvages et les hybrides Tamspot de l’élevage pastoral en Californie) et avec les moutons Churros dans le Projet "Moutons Navajo" du Sud-ouest des Etats-Unis, cet exposé interrogera la manière dont des transplants multispécifiques tant indigènes que coloniaux, humains et non-humains, forgent des manières de vivre et de mourir ensemble qui méritent un avenir. Comment, tant les gens que les autres animaux, qui ont tous été façonnés comme sujets d’histoire aux temps des conquêtes génocidaires et des destructions multispécifiques, construisent-ils des relations d’"espèces compagnes" au XXIe siècle, des relations, si je reprends les termes de Deborah Bird Rose, auxquelles sont confrontés ceux qui sont venus avant, de telle sorte à laisser des marques de souci à l’égard de ceux qui viennent après? Le terme "espèces compagnes" garantit la persistance de la racine du terme 'cum panis" — qui est ensemble à la même table et qui est au menu? Quel goût pourraient avoir, dans ce cadre, des cosmopolitiques, dans le geste de rendre disponible et de créer les manières de table du polis/oikos? Je me souviens que la bio-anthropologue Barbara Smuts nous a appris que la co-présence est toujours avec quelqu’un que nous goûtons, pas avec quelqu’un que nous utilisons. Qu’est ce que cela peut signifier alors pour des cochons, des moutons et pour leurs gens?
Catherine LARRÈRE: L'animalité et l'exploration des possibles Peut-on dire à la fois que les animaux ne sont pas des machines, et que les machines, sans être tout à fait des animaux, ont un devenir animal? L’énigme peut être résolue si l’on prend le fil conducteur suivant: la thèse des animaux machines n’est pas une thèse ontologique mais une thèse praxéologique, elle ne dit rien sur ce que sont les animaux, elle dit comment se conduire avec eux: dans la connaissance, dans l’action technique, et dans les rapports sociaux, ou moraux. C’est donc de ces trois points de vue (connaître, fabriquer, entrer en société) que nous étudierons les rapports entre les machines et les animaux. Cela nous conduira à une interrogation sur les corps et sur ce que nous pouvons savoir de leurs possibilités. C’est en sortant du dualisme et en changeant de modèle du corps que nous pourrons comprendre l’inversion de perspective: la machine n’explique pas l’animal, c’est l’animal qui peut servir d’horizon à la machine.
Isabelle MAUZ & Coralie MOUNET: Le rapport aux loups: un jeu sur la distance? Le cas du suivi scientifique de la population de loups en France La question de la distance entre hommes et animaux est récurrente dans les conflits autour des loups et présente dans maints travaux de SHS abordant la question du "vivre ensemble" de l’homme et de l’animal. Ce constat nous a conduites à enquêter sur les modes de négociation et de mise à l’épreuve de la "bonne distance" entre hommes et loups. Nous rendrons compte de la partie de notre enquête effectuée auprès de personnes chargées du suivi scientifique des loups. Longtemps, ce suivi a eu pour but de documenter la dynamique de la population de loups, en recourant à un protocole d’analyse non invasive dont la rigueur est fondée sur l’impossibilité, pour les biologistes, de remonter aux animaux: la distance est ici maximale à l’animal. Plus récemment, un programme a été élaboré afin de mieux connaître les comportements de prédation de loups munis d’un collier GPS. Au contact physique direct au moment de la capture succède ici un suivi individualisé et serré des animaux. Comment les personnes impliquées dans l’un ou l’autre de ces modes de suivi et parfois dans les deux vivent-elles et justifient-elles ces changements de distance avec les loups? En quoi la distance influe-t-elle sur le contenu et la légitimité des connaissances produites?
Références bibliographiques :
Granjou, C. et Mauz, I. (2009). "Quand l’identité de l’objet-frontière se construit chemin faisant. Le cas de l’estimation de l’effectif de la population de loups en France". Revue d’anthropologie des connaissances, 3, 1 : 29-49. Mauz, I. et Granjou, C. (2009). "L'affaire des marmottes de Prapic. Des frontières familières à l'épreuve d'une expérimentation de contraception animale", in V. Camos, F. Cézilly, P. Guenancia et J.-P. Sylvestre (éds) Homme et animal. La question des frontières. Paris : Éditions Quae. Mauz, I. et Granjou, C. 2008. "L'incertitude scientifique explique-t-elle la défiance? Le cas de la réception des résultats du suivi scientifique du loup", in P. Allard, D. Fox and B. Picon (éds) Incertitude & environnement. La fin des certitudes scientifiques. Ecologie humaine/Édisud. Skogen, K., Mauz, I. and Krange, O. (2008). "Cry Wolf! Narratives of Wolf Recovery in France and Norway". Rural Sociology 73, 1: 105-133. Mauz, I. (2007) "Pratiques d'élection", in V. Despret (éd) Bêtes et hommes, Paris : Gallimard, 126-127. Mauz, I. (2006) "Introductions, réintroductions: des convergences, par delà les différences". Natures, sciences, sociétés. Vol. 14, n° spécial "gestions durables de la faune sauvage" dirigé par Pierre Migot et Marie Roué, 3-10. Mauz, I. (2005) Gens, cornes et crocs. Paris : Cemagref, Cirad, Ifremer, Inra. 255 p. Mauz, I. et Gravelle, J. (2005) "Wolves in the valley. On making a controversy public", in Latour, B. et Weibel, P. Making things public. Atmospheres of democracy. Karlsruhe, Cambridge (MA): ZKM, MIT Press, 370-379. Mauz, I. (2002) "Les conceptions de la juste place des animaux dans les Alpes françaises". Espaces et sociétés, 110-111, 129-145. Mauz, I. (2002) "L'arrivée des loups dans les Alpes françaises et la transformation des rapports au sauvage". Le Monde Alpin et Rhodanien, 199-213. Mounet C. (2008) "Vivre avec des animaux "à problème". Le cas du loup et du sanglier dans les Alpes françaises", Revue de Géographie Alpine, tome 96, n°3, pp. 55-64. Mounet, C. (2007) Les territoires de l’imprévisible. Conflits, controverses et "vivre ensemble" autour de la faune sauvage. Le cas du loup et du sanglier dans les Alpes françaises. Thèse de doctorat de géographie. Université Joseph Fourier. Grenoble. Mounet C. (2006) "Le monde agricole confronté au loup, au sanglier et à leurs partisans: un conflit d’usage et de représentation", Revue de Géographie Alpine, n°4, pp. 89 - 109.
Jérôme MICHALON: Les animaux pansent-ils? Comment rendre compte des effets thérapeutiques du contact animalier Pratique relativement récente, le soin par le contact animalier connaît, dans le monde occidental, un développement important. Qu’on les nomme "Pet Therapy", "Zoothérapie", "Animal Assisted Therapy" ou encore "Médiation Animale", ces pratiques ont en commun de mettre en relation des animaux (chiens, chats, chevaux, — plus rarement — dauphins) et des humains en situation de souffrance psychologique et/ou physique. Cette mise en relation, qui peut être aussi bien verbale que corporelle, a pour objectif de produire chez ces personnes des effets bénéfiques. Elles ont également en commun de poser à celles et ceux qui s’y intéressent un certain nombre de questions à la fois sur la réalité de ces effets (comment les mesurer?), sur leur qualification ("thérapeutique"? "récréationnel"? "accompagnement"?), et sur le rôle de l’animal dans leur production (est-il actif? son influence est-elle directe ou indirecte?). Toutes les personnes impliquées dans le soin par le contact animalier sont travaillées par ces interrogations. D’autant plus qu’elles peuvent difficilement se reposer sur un savoir scientifique peinant à expliquer les mécanismes de cette relation. En effet, l’interaction avec l’animal à but thérapeutique a donné lieu à de nombreuses recherches au cours des dernières décennies, qui n’ont pas réussi à produire des savoirs stabilisés. Sans doute parce cet objet hybride met radicalement à l’épreuve certaines conception du faire science. En partant d’expériences concrètes (observées ou rapportées), il sera question de voir comment les acteurs rendent compte de la complexité de la relation qui s’établit entre un animal, un thérapeute et un "patient", et produisent ainsi un discours inédit sur l’animal. Un discours qui, entre l’animal placebo ("le dispositif fait tout") et l’animal magique ("l’animal fait tout"), refuse de choisir son camp.
Catherine MOUGENOT & Lucienne STRIVAY: L’échiquier des tricheurs ou l’incroyable expansion d’un lapin casanier Le lapin européen est une espèce d’une prolificité légendaire et cela pourrait suffire à expliquer sa formidable expansion à travers le monde. Pourtant, il est rarement dit qu’Oryctolagus cuniculus est aussi sédentaire au dernier point. Si on peut sans nul doute, en certains lieux, le classer parmi les espèces envahissantes, cela n’a pu advenir que grâce à l’assistance obstinée des humains. Les tribulations du lapin sont marquées de captures, rencontres et bifurcations, soit une collection d’épisodes pris entre invention et violence destructrice et qu’une logique linéaire ne permet pas de décrire. Elles sont pour nous un exemple-type de ces proliférations que nous évoquons à travers des nœuds de relations hommes - techniques – nature et qui expriment la pluralité des modes d’existence du vivant.
Pascal PICQ: L’origine de l’Homme entre animalité et humanité Une interrogation: lorsque j’ai commencé mes études pour devenir paléoanthropologue, alors que j’étais diplômé de physique théorique, je n’ai pas compris pourquoi on ne me disait rien des singes. On disait que "l’Homme descendait du singe" et qu’il y avait un processus d’hominisation. Quand l’arrogance de l’ontologie piétine les principes de la systématique. Une expérience: Certains traits anatomiques du crâne de nos ancêtres — Homo erectus, Neandertal — étaient considérés comme bestiaux. On a fait des expériences avec des macaques et des babouins et, que ce soient pour eux ou nos ancêtres, la bestialité s’est évanouie. Des bienfaits de la démarche objectiviste. Un constat: il ne faut pas toucher aux origines. Darwin se faisait l’effet d’avouer un meurtre et son jeune disciple John Romanes, affirme que "la psychologie du singe" est déjà humaine. Aujourd’hui, tandis que Frans de Waal montre combien les singes sont humains, le paléoanthropologue, qui ose toucher à nos origines communes avec les chimpanzés, est fustigé comme le plus bête des anthropologues. Il est vrai que je n’ai pas compris ce qu’on me disait de l’homme. Alors je suis allé du côté de nos frères d’évolution et "ce que nous savons d’eux" arrive, enfin, à rendre Homo sapiens intelligible. Darwin avait raison, n’y a-t-il plus de grandeur...
Références bibliographiques :
Pascal Picq. Les Origines de l’Homme expliquées à nos petits enfants, Seuil, 2010. Pascal Picq. Le Monde a-t-il été crée en sept jours ?, Perrin, 2009. Pascal Picq et Philippe Brenot. Le Sexe, l’Homme et l’Evolution, Odile Jacob, 2009. Pascal Picq. Darwin et l’évolution expliqués à nos petits enfants, Seuil, 2009. Picq Pascal et coll. La plus belle Histoire du Langage, Seuil, 2008. Picq Pascal. Les Animaux amoureux (Photos d’Eric travers), Le Chêne, 2007. Picq Pascal. Lucy et l’Obscurantisme. Odile Jacob, 2007. Picq Pascal. Nouvelle Histoire de l’Homme. Perrin, 2005. Picq Pascal, Lestel Dominique, Desprêt Vinciane et Herzsfeld Chris. Les Grands Singes : l’humanité au Fond des Yeux. Odile Jacob, 2005. Pascal Picq et Hélène Roche. Les premiers outils : les origines de la Culture. Paris, Le Pommier/La Cité des Sciences, 2004. Pascal Picq et François Savigny. Les Tigres. Paris, Odile Jacob, 2004. Pascal Picq. Au commencement était l’homme. Paris, Odile Jacob, 2003. Pascal Picq, Michel Serres et Jean-Didier Vincent. Qu’est-ce que l’humain ?, Paris, Le Pommier, 2003. Pascal Picq et Yves Coppens. Aux Origines de l’humanité. 2 volumes. Paris, Fayard, 2001.
Jocelyne PORCHER: Une sociologie de l’animal au travail L’étude des relations entre humains et animaux domestiques fait l’impasse sur ce qui est pourtant à la source de nos liens, à savoir le travail. Pour les animaux d’élevage, l’environnement "naturel", c’est le travail. Les animaux d’élevage vivent en effet dans deux mondes: leur monde propre de cochon ou de vache et le monde humain du travail dans lequel ils sont plongés dès leur naissance et avec lequel ils doivent composer. Les résultats de trois études menées dans des élevages de vaches laitières, porcs plein air et sangliers de parcs animaliers, respectivement en 2007, 2008 et 2009, ont montré que les animaux ne sont pas de purs objets du travail, poussés par l’instinct et par le conditionnement; ils collaborent au travail de leurs éleveurs. Toutefois, le niveau de collaboration des animaux dépend du système de production et des possibilités qui leur sont laissés d’exprimer leur potentiel cognitif et affectif. Bien au-delà donc des comportements et des besoins "naturels" des animaux d’élevage, ceux-ci parce qu’ils sont impliqués dans le monde du travail et que, dans les faits, ils s’engagent individuellement et collectivement dans le travail, ont un besoin qui n’est absolument pas pris en compte, ni par les filières, ni par les théories du "bien-être animal", c’est un besoin de reconnaissance.
Références bibliographiques :
Porcher J., Tribondeau C., 2008. Une vie de cochon. Editions La Découverte. Despret V., Porcher J., 2007, Etre bête. Editions Actes Sud. Porcher J., 2002, Eleveurs et animaux, réinventer le lien. PUF.
Avec le soutien de l'INRA, de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège et l'aide du Patrimoine de l'Université de Liège (Belgique)
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