Entre viande
halal et abattage rituel
lors de la fête de l'Aïd-el-Kebir, il ne viendrait guère à l'idée
d'associer islam et végétarisme. Pourtant, il existe des groupes de
végétariens musulmans.
Fort bien présenté, le site de l'association Islamic Concern for Animals
permet de découvrir un courant peu connu de l'islam. Il est issu d'un
précédent site, Islamveg.com, redirigé aujourd'hui vers celui d'Islamic
Concern for Animals. Son animateur, Irfan Ali, a expliqué à
Religioscope qu'il s'agissait d'une initiative d'une association très
active aux Etats-Unis, People for the Ethical Treatment of Animals
(PETA). Afin d'assister ses membres musulmans dans leur présentation du
végétarisme à leurs coreligionnaires, PETA demanda à Irfan Ali - qui
était alors l'un de ses employés - de créer le site.
Par la
suite, Irfan Ali quitta son poste pour s'engager dans la préparation
d'une thèse de doctorat. Il décida cependant de continuer son action
sur Internet, mais dans une perspective plus large, celle de l'attitude
de l'islam à l'égard des animaux. Il est toujours membre de PETA, de
même que certains de ceux qui l'assistent, mais pas tous. Islamic
Concern mène essentiellement des activités dans le cyberespace.
Même
si le présent article se concentre surtout sur le végétarisme, notons
que le site aborde également plusieurs autres questions, comme la
vivisection, d'un point de vjue islamique.
Les musulmans
animateurs du site soulignent que l'islam a toujours considéré les
animaux comme créatures, et donc dignes à cet égard d'attention et de
compassion. Le traitement qui leur est infligé dans les "fabriques
d'animaux" leur paraît être aux antipodes de ces principes.
Mais qu'en est-il de la viande
halal?
Plutôt que d'attaquer d'emblée et de front cette pratique, certains
articles préfèrent commencer par une remise en question en soulignant
que, pour qu'une viande soit
halal, il ne suffit pas que
l'animal ait été égorgé selon certaines règles: il faut aussi que son
traitement avant l'égorgement ait été conforme ait été conforme aux
principes musulmans, et le site montre que les transports de bétail
aujourd'hui ne correspondent guère à ces principes.
Manger de la
viande, surtout de la viande produite dans les conditions actuelles, ne
respecterait pas les principes musulmans de bonté envers les animaux.
En outre, le site s'efforce de semer le doute dans l'esprit de lecteurs
musulmans sceptiques: comment savoir, par exemple, si la nourriture
donnée aux vaches que l'on mange ne contenait pas des morceaux
provenant de porc?... Les arguments tirés des développements de
l'épidémie de "vache folle" sont bien sûr utilisés par le site.
Islamic Concern appelle donc à un "végétarisme
halal":
les nourritures et ingrédients végétaux (sauf l'alcool) sont par nature
halal, alors que la viande ne l'est peut-être pas. Le site appelle
ainsi au végétarisme en essayant de démontrer que c'est, en définitive,
la meilleure voie pour avoir un comportement de bon musulman.
Il cite également plusieurs
fatwasde juristes musulmans leur paraissant aller à l'appui de leurs dires.
Ces érudits musulmans confirment bien sûr qu'un traitement convenable
des animaux est une règle de l'islam. Ils reconnaissent que l'on peut
être musulman et végétarien. Plusieurs précisent en revanche qu'un
végétarien musulman n'a pas le droit d'aller jusqu'à dire que la
consommation de viande serait
haram (interdite).
"Un
musulman peut être un végétarien. En revanche, il ne devrait pas
considérer la consommation de viande comme interdite", déclare ainsi le
Mufti Ebrahim Desai. Aucune objection au végétarisme - à condition de
ne pas penser "qu'on est plus proche de Dieu en étant végétarien qu'en
ne l'étant pas", observe pour sa part le Sheikh M.S. Al-Munajjid.
Les
réactions d'autorités religieuses musulmanes ont été "largement
positives", a assuré Irfan Ali à Religioscope, en soulignant que ces
réactions provenaient aussi bien d'universitaires formés en Occident
que d'érudits "traditionnels". Irfan Ali évoque également une récente
conférence à l'Université Al Azhar, au Caire, lors de laquelle aurait
été souligné le devoir de traiter humainement les animaux.
Des
réactions négatives? Irfan Ali reconnaît qu'il y en a aussi, dont
certaines provenant de musulmans qui pensent qu'il n'est pas possible
de concilier islam et végétarisme.
Cependant, la majorité des
réactions négatives viendraient, estime Irfan Ali, de non musulmans,
hindous ou occidentaux, convaincus que l'islam est par nature violent,
et donc peu enclins à croire qu'il puisse s'harmoniser avec le souci
des animaux.
A l'inverse, il découvre aussi des gens dont la
vision de l'islam serait, nous dit-il, transformée par la visite du
site. "J'espère qu'Islamic Concern conduira des non musulmans à
repenser les stéréotypes qu'ils peuvent avoir eus sur les musulmans et
la violence et encouragera plus de musulmans à manifester de la bonté
envers les animaux, dans le véritable esprit de l'islam", expliquait
l'an dernier Irfan Ali à l'Indo-Asian News Service.
Notons
qu'Islamic Concern n'est pas le seul fruit de l'activité de PETA dans
le domaine religieux. Il existe également un site pour inciter les
chrétiens au végétarisme, Jesusveg.com.
Et, entre autres initiatives récentes. des membres mormons de PETA ont
lancé au mois de mars 2004 une campagne à Salt Lake City pour inciter
leurs coreligionnaires à devenir végétariens, citant à l'appui de leurs
propos des textes sacrés propres à l'Eglise de Jésus-Christ des saints
des derniers jours.
http://religion.info/french/articles/article_47.shtml