De la viande de laboratoire plutôt que d’abattoir?

Illustration Photonews




A
l’avenir, la production de viande dépendra moins des élevages bovins
que des éprouvettes, du moins à en croire le biologiste Vladimir
Mironov, qui espère bien contribuer à résoudre la crise alimentaire
mondiale depuis son laboratoire de Caroline du Sud.


Rédaction en ligne
Publié le 15/02 à 20h17

Ce chercheur de 56 ans et son
collaborateur Nicholas Genovese, 32 ans, espèrent non seulement lutter
contre la faim dans le monde en créant de la viande artificielle, mais
aussi rendre possibles des missions de plus de six mois sur Mars,
sachant qu’il n’est guère envisageable de faire embarquer des vaches à
bord des vaisseaux spatiaux.


“Imaginez par exemple la colonisation d’une autre planète ou simplement l’accroissement de la population”, argue Vladimir Mironov, soulignant “qu’il n’y a déjà aucun espace disponible pour élever du bétail à New York ou Singapour”.

Le chercheur, installé dans un laboratoire aux dimensions modestes mais
aux moyens d’avant-garde de la faculté de médecine de l’Université de
Caroline du Sud (sud-est des Etats-Unis), espère que la création de
steaks artificiels est pour bientôt, même si faire croître de la viande
en laboratoire est pour l’instant un processus long et complexe. “C’est une question de temps et d’argent”, affirme-t-il. Il y a dix ans, il a obtenu une bourse de la Nasa pour tenter de concrétiser son rêve de “cultiver de la viande”.
Aujourd’hui cependant, ses travaux ne sont plus financés par l’agence
spatiale américaine, qui se serait tournée selon lui vers la recherche
sur des plantes transgéniques comme sources alternatives de protéines. Désormais, c’est grâce au financement sur trois ans de l’organisation
de défense des animaux Peta que Mironov et Genovese peuvent continuer
leurs recherches. Ils travaillent à partir de cellules souches
embryonnaires responsables de la formation des muscles, appelées
myoblastes, provenant de dindes et imprégnées de sérum issu de bovins
pour faire croître des tissus musculaires. “Nous travaillons
à très petite échelle avec le bioréacteur Synthecon de la Nasa, à
partir de sphères poreuses de chitosane (une fibre naturelle dérivée de
la carapace de crustacé, ndlr), où peuvent être mis en culture des
myoblastes d’animaux compatibles”, explique M. Mironov. La
viande ainsi cultivée, si elle arrive jusqu’aux rayons des supermarchés,
sera tout à fait comparable à celle que l’on trouve aujourd’hui au
rayon boucherie, affirme-t-il. La viande modifiée est déjà une pratique
courante, et elle est inoffensive, selon lui. Vladimir Mironov
et Nicholas Genovese ont fait partie en août dernier des 30 élus invités
à participer à un atelier de fabrication de viande en laboratoire par
la Fondation européenne de la science (ESF) à Göteborg, en Suède. Ils ont pu évoquer avec les autres chercheurs les difficultés
auxquelles ils se heurtent. Le dégoût des consommateurs n’est sans doute
pas le moindre, bien que le procédé de mise en culture soit pratiqué
depuis des années pour d’autres aliments, comme les yaourts.
L’autre principal écueil est celui du financement. Aux Etats-Unis,
l’Institut national de l’alimentation et de l’agriculture ne semble pas
enclin à mettre la main au portefeuille, contrairement, par exemple, à
ce qui se passe aux Pays-Bas. “Il semblerait que les Européens soient en avance” en matière de viande fabriquée in-vitro, souligne Vladimir Mironov. Malgré tout, il reste optimiste. Sans dévoiler quelle quantité de
viande artificielle il a produite jusqu’ici, il prévoit d’organiser une
dégustation en Suède l’été prochain. “Nous sommes prêts, mais le secteur du capital-risque et les agences fédérales ne le sont pas encore”, dit-il, affirmant avec confiance que “cela viendra”.

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