Les spécialistes préviennent: si l'on continue ainsi, l'élevage va
épuiser la planète et la pêche faire disparaître les espèces
commerciales de poissons d'ici 2050.
Au sommet de la chaîne alimentaire, les humains ont pris leurs
aises, mais avec la surpêche qui vide les océans et l'aquaculture et
l'élevage qui polluent l'eau, les sols et l'atmosphère, il faudra bien
changer d'habitudes. Nourrir l'humanité -9 milliards d'individus à
l'horizon 2050 selon les prévisions de l'ONU- nécessitera d'adapter nos
comportements, surtout chez les plus riches, et d'aider massivement les
pays en développement.
AFP/Archives/Jean-Philippe
Ksiazek
Vue d'un étal de boucher, le 29 décembre 2006 aux
halles de Lyon
Selon un rapport de la FAO, l'Organisation des Nations unies
pour l'agriculture et l'alimentation, publié jeudi, la production
mondiale de viande devrait doubler pour atteindre 463 millions de tonnes
afin de répondre à la demande mondiale.
Un Chinois qui consommait 13,7 kg viande en 1980 en mange en moyenne
59,5 kg aujourd'hui. Dans les pays développés, on mange plus de 80
kg/personne/an.
Du gaspillage
"Comment l'empêcher? quand le revenu augmente, la consommation de
produits carnés et laitiers fait de même: il n'y a pas un exemple
contraire au monde", constate Hervé Guyomard, directeur scientifique Agriculture
de l'Inra (Institut national de la recherche agronomique), pilote du
rapport "Agrimonde"sur "les systèmes agricoles et alimentaires mondiaux à
l'horizon 2050".
Aujourd'hui, l'agriculture produit 4600 kilocalories/jour/habitant -
largement de quoi nourrir 6 milliards d'individus. Mais sur ce total,
800 sont perdues au champ (maladies, insectes, stockage...), 1500
dédiées à l'alimentation des animaux -qui n'en restituent en moyenne que
500 dans l'assiette- et 800 sont encore perdues en gaspillage dans les
pays développés.
En outre, l'élevage coûte cher à l'environnement: 8% de la
consommation mondiale d'eau, 18% des émissions de gaz à effet de serre
(davantage que les transports) et 37% du méthane (21 fois plus
réchauffant que le CO2) émis par les activités humaines.
Et bien que source essentielle de protéines, la viande rouge n'est
pas "rentable" au plan alimentaire: "Il faut 3 calories végétales pour
produire 1 calorie de poulet; 7 pour une de cochon et 9 pour une calorie
bovine", souligne Hervé Guyomard.
Ainsi, plus d'un tiers (37%) de la production mondiale de céréales
sert à nourrir le bétail -56% dans les pays riches- selon le World Ressources Institute.
Un luxe, même si Hervé Guyomard nuance en rappelant les services
rendus par un bovin: "seul capable de valoriser l'herbe, substitut à la
mécanisation et producteur d'engrais par ses déjections".
AFP/Archives/Mychele Daniau
Photo de filets de panga prise le 23 janvier 2008
dans une poissonnerie d'une grande surface à Rots
Freinons sur la viande, quid du poisson? Les océans ne peuvent plus
être pris pour des garde-manger inépuisables: selon Philippe Cury (
Une mer sans poissons,
Calmann-Lévy), directeur de recherches à l'Institut de recherche pour le
développement (IRD), le nombre de bateaux de pêche est deux à trois
fois supérieur aux capacités de reconstitution de la ressource.
A ce rythme, la totalité des espèces commerciales aura disparu en
2050. A force de s'attaquer aux grands prédateurs comme le thon rouge,
le consommateur est en train de détraquer le système, prévient aussi
Gerry Leape, du Pew
Environment Group. "Il va falloir apprendre à redescendre dans la
chaîne alimentaire, sinon il n'y a plus personne pour manger les espèces
du dessous qui se mettent à proliférer, comme les méduses",
explique-t-il.
L'aquaculture ne peut présenter une alternative que si elle modifie
ses pratiques, très polluantes. Elle aussi surconsomme: 4 kg d'anchois
ou de sardines pour produire 1 kg de saumon, et jusqu'à 14 kg de poisson
pour 1 kg de thon....
http://www.lexpress.fr/actualite/environnement/la-planete-ne-digere-pas-notre-consommation-de-viande_850778.html?XTOR=EPR-582