Trafic
de viande et espèces protégées : quand l'ennui culinaire, voire
existentiel, de quelques nantis menace la survie d'espèces en voie
d'extinction.S'il est un trafic préoccupant de par sa forte progression et ses
conséquences dramatiques sur la biodiversité, celui de la "viande de
brousse" pourrait bien figurer dans le peloton de tête des crimes contre
l'environnement.
Médiatisé de façon sporadique, à la faveur de coups de filet gagnants
opérés par les douanes, il n'en reste pas moins que ce trafic
d'envergure internationale est une menace bien réelle pour nombre
d'espèces menacées qui payent, là, le lourd tribu de la gourmandise
tristement dé-conscientisée d'une poignée d'individus, prêts à tout pour
satisfaire une vanité culinaire aux dommages criminels.
A moins qu'il ne s'agisse, tout au plus, que de combler l'ennui d'une
existence où tout s'achète, se monnaye et se déguste jusqu'à la lie et
ce, avec d'autant plus de jouissance et de désinvolture, que gastronomie
peut grassement s'assaisonner d'une transgression de l'interdit, payée à
pris d'or...
Trafic de viande, de l'Afrique vers l'EuropeIl y a peu, une enquête du Guardian (
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toute illégalité, chaque semaine, via l'aéroport Roissy-Charles de
Gaulle.
La provenance de cette viande ? L'Afrique Centrale et l'Afrique de
l'Ouest, où des animaux tels que le gorille, le crocodile, l'éléphant ou
l'hippopotame sont braconnés et décimés. Ne concernant que le gorille,
on estime à 800 le nombre d'individus tués chaque année et destinés à
insuffler un brin d'originalité à la carte de quelques grands
restaurants européens en panne de créativité et de la moindre
conscience.
En cause ? L'engouement croissant de certains privilégiés pour un
exotisme gustatif dont ils laissent, bien entendu, le soin à l'humanité
toute entière, d'assumer les conséquences.
En effet, si l'on se réfère à l'étude parue dans The Conservation Letters (
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la demande d'un marché du luxe, dont on peut se demander quelle sera le
prochain exploit en matière de fatuité et de cynisme.
Quant à la revue Maxisciences (
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atteignait les 3,4 millions de tonnes par an, pour le seul bassin du
Congo. L'équivalent en poids de 40,7 millions d'êtres humains ! On peut
alors imaginer l'ampleur du désastre engendré par un tel business à
l'échelle d'un continent dont l'équilibre écologique est, en toute
logique, étroitement lié à la richesse de sa biodiversité.
Quand même la menace sanitaire n'effraie plus...Ebola, SRAS... des virus aux conséquences mortelles et qui ont occupé,
en leur temps, l'actualité de façon dramatique, mais dont on a
rapidement oublié le facteur déclencheur : la consommation de viande de
brousse, dont le risque de contamination humaine par les salmonelles
est, par ailleurs, très élevé.
Face à la recrudescence des trafics de viande de brousse en tous genres
et toutes espèces confondues, il semble que des gardes-fou tels que la
CITES, dont l'objectif, depuis 1975, est de garantir la survie des
espèces menacées d'extinction dans le cadre du commerce international,
ainsi que les associations de terrain engagées dans la lutte pour la
sauvegarde de la biodiversité, ne se trouvent quelque peu désarmés face
aux enjeux économiques, mais surtout face au laxisme général des
gouvernements en matière de répression.
Pour information, sachez que pris la main dans le sac de provisions,
rempli à bloc de viande de brousse, il ne vous en coûtera pas plus de
450 euros. Alors, après tout, pourquoi ne pas tenter sa chance !
Quel regard pouvons-nous poser sur les autorités politiques concernées -
de part et d'autre - face à l'immobilisme législatif qui les
caractérisent dans ce type de problématique... si ce n'est celui de
l'incompréhension, de la colère et du mépris, tant le trafic de viande
de brousse symbolise, à la perfection, le pillage permanent à but
lucratif de notre seule et unique planète, de notre seule et unique
bio-diversité?
Un pillage toléré et quoiqu'il en soit, toujours négociable, pour la
simple raison que tout pillage qui se respecte génère des profits et un
circuit économique dont il est plus simple de ne pas trop se préoccuper
des conséquences à long terme, qui plus est quand on en retire soi-même
certains bénéfices... Vous avez dit viande de brousse et corruption?
A suivre...Lire plus ici:
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